Quelques résultats
(1) Variation
latitudinale de la diversité allélique d’un gène d’immunocompétence
: co-évolution hôte-pathogène et adaptation
locale chez le saumon atlantique? |
Les gènes du CMH sont de
bons candidats pour l’étude de l’adaptation
locale au niveau moléculaire. Chez le saumon atlantique,
le gène du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH)
classe II permet la résistance aux bactéries et aux
parasites du milieu.
Il est admis qu’une diversité génétique élevée à ce
gène implique la résistance à un plus grand
nombre de pathogènes. Dans un contexte de co-évolution,
les parasites exercent une pression de sélection diversifiante
sur leurs populations hôtes. Selon des études récentes,
cette pression diminue avec la latitude et la température
de l’eau. Le projet vise à tester l’hypothèse
voulant que la diversité génétique à un
gène d’immunocompétence diminue chez les populations
de saumon avec la latitude en fonction de la pression de sélection
décroissante des pathogènes.
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La diversité génétique
chez le saumon atlantique au niveau de gènes du complexe
CMH classe II ainsi qu'au niveau de 13 loci microsatellites neutres
a été étudiée à grande échelle
au Québec.
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Les populations de saumon atlantique étudiées
possèdent entre 9 et 14 allèles différents
au gène CMH II, ce qui représente un polymorphisme
relativement élevé.
La diversité génétique des populations de saumons au gène
CMH est élevée dans la plupart des rivières de la Gaspésie,
alors que le Labrador et l’Ungava sont des régions où la
diversité génétique est plus faible à ce gène. |
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Les résultats obtenus indiquent une
diminution de la diversité génétique au gène
CMH classe II avec la latitude (r2 = 0.28, p = 0.002) et avec la
diminution de la température (r2 = 0.31, p < 0.001).
Ce patron appui l’hypothèse voulant que la diversité génétique
au gène d’immunocompétence est maintenue par
la pression de sélection des pathogènes qui varie
avec la latitude.
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Rôle
de la sélection naturelle dans la détermination
de la diversité du gène CMH chez le saumon atlantique
?
Ces résultats ont été comparés
aux patrons de diversité génétique de marqueurs
microsatellites neutres afin de différencier l’effet
de la sélection de celui des forces évolutives neutres.
Pour 9 des 13 microsatellites étudiés, la diversité allélique
reste stable avec la latitude et la température tel qu’attendu,
alors que la diversité génétique de 4 microsatellites
varie avec ces deux facteurs.
Ces résultats indiquent donc
l’influence complémentaire d’autres facteurs évolutifs.
En plus de la sélection des pathogènes, l’histoire
de colonisation à partir d’un refuge glaciaire au sud
et les taux de dispersions différentiels selon les régions
seraient les facteurs les plus plausibles pour expliquer le patron
de diversité génétique observé chez les
populations de saumon atlantique en Amérique du Nord.
CARON, F. et
DIONNE M. 2006. La génétique ? À chaque rivière
son saumon... «Les secrets de Salmo», Saumons illimités,
magazine de la Fédération québécoise
pour le saumon atlantique (FQSA), volume 29(1) (no 74) : 40-41.
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(2)
Comparaison de profils d’expression de gènes entre une lignée
domestique de saumon et sa population fondatrice
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L’élevage du saumon atlantique vise l’augmentation
du taux de croissance et la modification d’autres caractères
d’intérêt commercial. Face à l’importance
des échappées de saumons d’élevage, il
est important de comprendre comment la sélection artificielle
a modifié le patrimoine génétique de ces saumons
afin de mieux évaluer les conséquences de leur interaction
avec les populations naturelles.
À
l’aide de la technique
des bio-puces, nous avons comparé de façon simultanée le
niveau d’expression
de 3 557 gènes entre la progéniture de saumons
sauvages et de celle de saumons d’élevage. Les géniteurs
sauvages provenaient des rivières d’origine de deux
populations d’élevage, l’une canadienne (rivière
St-Jean (NB)) et l’autre norvégienne (rivière
Namsen).
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Cinq à sept
générations de sélection artificielle visant,
entre autres choses, une augmentation du taux de croissance et
une diminution de la proportion de madeleineaux chez le saumon
atlantique, ont suffit pour entraîner des modifications
moyennes de 20% du niveau d'expression d’au moins 1.7 et
1.4% des gènes exprimés dans les souches d'élevage
norvégienne et canadienne respectivement, et ce, pour
différents groupes de fonctions. Certains gènes
montraient en outre des changements parallèles dans les
souches des deux pays. Ces résultats supportent donc l’hypothèse
voulant que l’hybridation éventuelle entre saumons
d’élevage et sauvages puisse altérer négativement
le pool génique des populations naturelles et en diminuer
le fitness.
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Alevins
de saumons peu après l'éclosion avec, en arrière
plan, l'image d'une bio-puce
Photo des alevins © Normand Bergeron (extraite du documentaire "Jusqu'à la
mer"); Image de bio-puce et montage © Christian Roberge
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Cette étude
a été publié dans Molecular Ecology : ROBERGE,
C., S. EINUM H. GUDERLEY and L. BERNATCHEZ.
2006. Rapid parallel evolutionary changes of gene transcription profiles
in farmed Atlantic salmon. Molecular Ecology. 15: 9–20.
Elle
a également fait l'objet d'un article dans le magazine de
la Fédération québécoise pour le saumon
atlantique: ROBERGE, C. 2006. Le saumon domestique : un saumon
différent ? Chronique «Les Secrets de Salmo », Saumons
Illimités, magazine de la Fédération québécoise
pour le saumon atlantique (FQSA), volume 29 (4) (no 76) : 44-45.
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(3) Comparaison
des profils d’expression des gènes (a) entre la
progéniture de saumons d’une population nouvellement
formée sur la rivière Sainte-Marguerite (5 générations)
et celle de saumons de sa population fondatrice; (b) entre la
progéniture de mâles anadromes ou à maturité sexuelle
précoce chez ces 2 populations
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L’installation, en 1981,
d’une passe migratoire à l’emplacement d’une
chute sur la branche Nord-Est de la rivière Sainte-Marguerite
a rendu accessible un segment de rivière jadis inoccupé par
l’espèce. Depuis, après 5 générations,
une sous-population génétiquement distincte, et
en voie d'isolement reproducteur, s’y est établie.
L’analyse de l’ADN de saumons provenant de sites en aval et en
amont de la chute, au niveau de marqueurs génétiques neutres,
a permis de mettre en évidence une structuration génétique
entre les sites, et aussi entre les années d’échantillonnage.
De plus, la proportion de mâles à maturité sexuelle
précoce est plus importante en amont de la chute qu’en
aval. |
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Objectifs : (1) identifier,
pour deux années
consécutives
d’échantillonnage, si des différences significatives
sont détectables entre les profils de transcription de la
progéniture de: (a) géniteurs de l’aval
et de l’amont de la passe migratoire et (b) de
mâles
anadromes et de mâles à maturité sexuelle précoce. (2) Estimer
l’importance de l’identité du
père,
de la provenance des parents (amont ou aval) et de l’année
d’échantillonnage.
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2
séries de croisements ont été effectuées
pour 2 années consécutives (pisciculture de Tadoussac)
avec des géniteurs (mâles anadromes ou précoces
et femelles anadromes) capturés en amont (série 1)
et en aval (série
2) de la passe migratoire.
Ces croisements permettent de
quantifier par analyse de variance les effets de populations, maternels
et de
tactiques de reproduction sur les profils d’expression. Les
profils d’expression sont analysés à l'aide
de bio-puces aux stades de vie embryonnaire et juvénile. |
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1) Comparaison des
profils d'expression génique de la progéniture à l'émergence
Dans le but d’identifier et d’évaluer l’importance
des différences de profils d’expression génique
entre la progéniture de mâles anadromes ou à maturité sexuelle
précoce des sous-populations de l’aval et de l’amont
de la chute, les profils de transcription des gènes ont été déterminés à l’aide
de bio-puces de 16006 gènes chez 90 alevins à l’émergence.
L'expression
de 6484 gènes a
pu être
détectée. Le niveau de transcription de 562
gènes diffère entre
la progéniture de géniteurs de l’aval et de
l’amont
de la passe migratoire; ces différences représenteraient
des changements évolutifs et, peut-être, adaptatifs.
Il y a une forte héritabilité des profils de transcription
pour les gènes dont le niveau de transcription diffère
entre la progéniture de géniteurs de l’aval et
de l’amont de la chute.
À l’émergence,
il n’y pas de différence détectable entre les
profils de transcription d’alevins issus de mâles anadromes
et à maturité sexuelle précoce.
2) L’effet de l’identité du type
de père (anadrome
ou à maturité sexuelle précoce) sur les
profils de transcription à un stade ultérieur de
développement
des alevins.
En cours d'analyse.
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(4) Comparaison
des traits morphologiques et métaboliques et de
profils d'expression reliés
au déterminisme de la croissance chez
ces 2 populations de saumon atlantique présentant
des taux différents de maturité sexuelle précoce
et quantification de l'héritabilité de ces
traits |
Sur
la Branche Nord-Est de la rivière Sainte-Marguerite
la fréquence
de mâles
précoces
est plus forte en amont amont qu'en aval de la passe
migratoire.
Cette tendance peut être partiellement une
conséquence
d’une
héritabilité différentielle des traits
qui influencent la maturation précoce, comme la taille
et le taux de croissance.
L’objectif
général est d’élucider
les événements impliqués
dans l’adoption d’une tactique de reproduction,
de l’éclosion
des œufs jusqu’au moment de ce choix.
Les
rejetons des familles issues des croisements artificiels décrits
plus haut (objectif 3) seront utilisés. La progéniture
engendrée
par des mâles anadromes sera comparée à celle
engendrée
par des tacons matures, et ce depuis l’éclosion
de la progéniture
jusqu'à l’âge de 2 ans, jusqu'à l'adoption
d'un tactique de reproduction. Ces
alevins issus de géniteurs connus seront élevés
dans des conditions environnementales identiques, afin de faire
ressortir l’impact
du déterminisme génétique dans le choix
d’une
tactique de reproduction.
Aspects morphologiques: au cours de
ces deux années, plusieurs paramètres morphologiques
associés
avec le taux de croissance et la taille corporelles seront
mesurés
(longueur, masse, taux de croissance et teneur en
protéines).
Aspects physiologiques : au cours de ces deux
années, la consommation
d’oxygène
sera déterminée afin de définir le taux
métabolique
de routine. Des indicateurs enzymatiques
seront aussi utilisés pour évaluer
la capacité métabolique
des alevins, en se focalisant sur la capacité aérobie
(CCO et CS), la capacité glytolytique (LDH) et le métabolisme
azoté (GDH). Enfin,
l’expression
de gènes reliés au déterminisme de la
croissance (facteurs de transcription
et gènes mitochondriaux (enzymes et protéines
découplantes))
sera analysée à l'aide de bio-puces.
À partir
des données, les valeurs d’héritabilité des
traits mesurés seront estimées et comparées
entre les populations. Dès qu'une
tactique de reproduction sera adoptée, les corrélations
génétiques entre tous les traits mesurés
et la tactique reproductive seront calculées. L’ampleur
de la différenciation
génétique à chacun de ces traits sera
comparée celle-ci avec l’ampleur
de la différenciation entre ces populations mesurée à l’aide
de marqueurs microsatellites neutres. Ceci
permettra de déterminer si la différentiation
observée entre ces 2 populations exposées à des
environnements différents pendant 5-6 générations,
au niveau de la fréquence des tacons précoces
, est le résultat de processus aléatoires ou
de la sélection naturelle. Ceci
nous permettra aussi d’estimer
la corrélation génétique entre les traits
analysés et la croissance, puis l’incidence
des différentes tactiques de reproduction.
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(5) Préférence
d'habitat des tacons de saumon atlantiqueà maturité sexuelle
précoce |
Nous déterminerons l’impact du choix de l’habitat
(essentiellement caractérisé par sa vitesse du courant)
par les juvéniles sur leur morphologie et leur métabolisme.
Pour cela, nous utiliserons des alevins sauvages âgés
de 1 et 2 ans provenant de différents habitats caractéristiques.
Les mêmes études physiologiques citées ci-dessus
seront utilisées. En étudiant des juvéniles âgés
de 1 et 2 ans dans chaque habitat, nous pourrons d’une part
définir, la densité de tacons en voie de maturité,
matures (précoces) et immatures (appelés à migrer
vers l’océan) dans chaque habitat, et d’autre
part, définir si il existe un lien entre l’habitat occupé préférentiellement,
la tactique de reproduction choisie ainsi que leurs propriétés
morphologiques et physiologiques.
Résultats à venir |
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